Interview Alain Laidet – Fondateur du salon e-commerce Paris

Les salons e-commerce Paris et One To One Monaco sont devenus des références en Europe. Alain Laidet en est le créateur, le grand ordonnateur.

A son apogée, son organisation comptait jusqu’à 50 personnes à temps plein.

Dans ce podcast, il nous explique comment il a eu cette idée, ce qu’il a mis en place pour en favoriser la réussite et plein d’anecdotes toutes plus étonnantes les unes que les autres.

Voici la transcription de cette vidéo :

Stéphane :  Alain, bonjour.
Alain : Bonjour Stéphane.
Stéphane : Alors je te connais depuis quelques années pour t’avoir côtoyé sur Lyon avec l’aventure de Wizaplace avec Eric Alessandri que j’ai interviewé par ailleurs. Une aventure assez intéressante de solution de place de marché.

D’autre part je sais que tu as mené également à bien un autre projet extrêmement intéressant qui est, en partant de 0, d’organiser le plus grand salon d’e-commerce d’Europe, donc j’aimerais que tu nous racontes un petit peu ça et puis résume-nous ton parcours au tout début là.

Alain : Donc oui E-commerce Paris, quand je l’ai cédé en 2011, c’était le plus gros salon Européen de e-commerce, 500 exposants, 30 000 personnes qui venaient tous les ans. Comment est-ce qu’elle est venue cette affaire-là ? et ben mon historique c’est d’avoir été journaliste pendant 10 ans, d’avoir créé mon journal qui s’appelait e-business en 1996 et donc c’était un journal qui ne parlait que d’internet et d’entreprises, comment est ce qu’internet impacte les entreprises, qu’est-ce que ça touche, et si on réfléchit fonction par fonction, dans les ventes, ça s’appelle l’e-commerce.

Donc j’ai écrit mon canard en 1996 et puis c’était assez compliqué de vendre de l’info et ça l’est toujours d’ailleurs. En plus les grandes maisons d’édition avaient tous, enfin, une bulle s’est créée, et tous inondaient le marché de journaux gratuits etc., donc vendre de l’info c’est très très compliqué. Tout ça s’est assaini après la bulle, puisqu’on s’est retrouvé assez peu nombreux en fait à être toujours là quoi, et moi je cherchais des relais de croissance sur d’autres sujets. Et je m’étais rendu compte que les gens qui portaient l’innovation dans l’e-commerce étaient notamment les éditeurs de logiciels et de service, ils n’étaient pas très bien servis, personne ne les recevaient pour qu’ils expriment ce qu’ils faisaient, ce qu’ils créaient.

Donc j’ai conçu à partir de 2001, des conférences thématiques. Je vais expliquer ça parce que c’est intéressant, ça explique tout le reste, parce que ça a marché, donc le modèle c’était de recevoir des gens, des éditeurs de softs qui payaient pour parler, en face, c’était gratuit, on faisait des thématiques, on prenait un sujet, l’emailing par exemple, on demandait à 3, 4 éditeurs – les meilleurs du marché – de venir expliquer ce qu’ils faisaient, et de venir avec des clients, qui témoignaient eux de l’usage qu’ils faisaient des technologies.

En face, c’était génial parce que, en une demi-journée, il benchmarkait un thème, il avait les quatre meilleurs offres du marché, puis des clients qui venaient raconter un petit peu comment eux mettaient en oeuvre, tout le monde était très content, il y a eu quelques soucis sur le modèle, le fait que ce soit gratuit pour les étudiants. Je gagnais toujours un petit peu, que ce soit pas très qualifiant en terme d’audience ben en fait si, je n’ai jamais sur la qualité de l’audience.

Stéphane : Donc on démarre petit mais on démarre avec quelque chose qui fonctionne et une accroche, ça colle.

Alain : Oui ça colle, on en avait pour 50-100 personnes par matinée, et les gens étaient extrêmement contents, aussi, les orateurs partaient avec les fichiers des participants. Donc il y avait une finalité commerciale mais on faisait attention au contenu, et on leur demandait de venir vraiment avec des témoins pour que ce soit vraiment profitable et qu’on n’ait pas que la vision commerciale des choses.

Et puis la plupart du temps on avait des gens qui voulaient expliquer ce qu’ils faisaient, donc des côtés tout à fait intéressant. Donc en 2003 je devais en faire 5 ou 6 par mois je crois, donc un jour on s’est dit on va réunir tout ça, toutes les conférences, et on va faire qu’un effort de recrutement d’éditeurs, et donc c’était le premier salon e-commerce il s’appelait e-commerce Paris, en 2004, on avait sur 2 jours 5 ou 6 conférences en parallèle, et on a fait 1500 personnes en 2 jours.

Stéphane : Alors la première organisation du salon e-commerce Paris, en 2004.
Alain : Et ça a doublé tous les ans, la deuxième année, on a fait 3000 personnes, en 2006, 6 000, 12 000 la suivante, 20 000, 25 000, 30 000. Et en fait, après, à partir de la 2ème on a commencé à apprendre à faire un salon, puisqu’on avait toute une population très qualifiée réunie à un endroit, les gens se disent : oui autant en profiter, les gens sont là ils sont sympas ils discutent, et si on avait un petit bout de temps pour les recevoir, ça serait bien. Donc on a commencé à mettre ça en place, dès le n°2, on avait des petits stands, et puis on est passé, d’abord à de plus grands endroits à Paris, avant d’arriver sur la porte de Versailles à partir de 2008.

Stéphane : Alors quelle est la clé pour toi du succès de tout ça ? C’est l’organisation ? C’est le marketing ? C’est le réseau ?

Alain : C’est le contenu. C’est-à-dire que les gens venaient vraiment pour découvrir pour apprendre des choses, puis à partir du moment où vous avez atteint un seuil critique, dès que tu réunis plus de 200 ou 300 acteurs du marché, tu as les principaux donc, le rendez-vous est pris tous les gens savent que, en septembre, c’est le rendez-vous d’e-commerce, on a les principales conférences, on a les principaux acteurs, c’est la grande messe, tout le monde est là, tout le monde vient échanger, vient faire le point sur les nouveautés, etc., donc voilà.

Stéphane : Effectivement ça devient incontournable. Donc en clair moi ce que je retiens c’est qualité avant tout, et évidemment toujours pareil on répond à un besoin avant tout.

Alain : Oui clairement, oui
Stéphane : Tu as répondu à un besoin, tu t’es bien organisé et voilà.
Alain : Exactement, voilà ! Et après, on ne faisait pas tous ce salon là, on en faisait 10 par an pratiquement, on a dupliqué en Suisse ça s’appelait e-commerce de Genève, sachant que e-commerce Paris a été fait de Lyon pendant dix ans, alors on avait lancé quelques salons sur les EDI, la dématérialisation, Demat Expo par exemple. Et on a surtout lancé le salon e-marketing en 2007, c’est une autre aventure parce que ça c’était très chaud. Nous avons des américains qui voulaient lancer des salons Ad-Tech en France, c’est-à-dire qu’ils l’ont fait, mais qui voulaient s’associer à nous, donc on a discuté, et finalement non. On s’est retrouvés donc concurrents.

La première année était vraiment sauvage parce qu’on octobre 2006 on se rend compte qu’on n’était pas d’accord. Donc j’ai dit non on va lancer notre salon e-marketing en 2007 et je cherche une salle je ne trouve pas. Je ne trouve aucune salle disponible, c’est un des points compliqués, quand on veut faire un salon il nous faut une grande salle. Miraculeusement je trouve la Cité des Sciences et d’Industrie à la Villette avec un dispositif assez compliqué mais finalement gérable, par contre c’était disponible fin janvier, donc on avait 3 mois pour tout faire, donc on sortait juste d’e-commerce Paris, on y va ? On n’y va pas ? En fin de compte on l’a fait, et c’est passé, on a fait une centaine d’exposants, il y avait 6 ou 7 salles, on a fait 6000 personnes…

Stéphane : Oui, d’entrées, et c’est devenu quoi depuis maintenant plus de 10 ans?
Alain : Et ben ça tourne toujours, alors j’ai cédé l’ensemble de mes activités en 2011, ils n’ont pas gardé celui-ci en fait ils l’ont cédé ensuite à (inaudible) et le Salon e-marketing tourne toujours, en avril –pas cette année bien sûr avec le Covid- et ça marche toujours très bien.

Par contre, ce qui était remarquable c’est qu’il y avait à l’époque l’émergence d’un salon en Allemagne qui, maintenant, est la référence, maintenant c’est une tuerie.

Stéphane : Qu’est-ce que tu as retiré finalement de toute cette aventure d’organisation de salons, ça t’a changé en tant que personne ? Qu’est-ce que tu as appris ?

Alain : Oui ça m’a changé parce qu’on a était quand même 40 ou 50 personnes à plein temps pour faire tourner tout ça, donc il y a quand même quelques petits réglages d’organisation, de management, différentes choses à apprendre en avançant.

On a appris à faire les salons parce que c’est quand même un métier très particulier qu’il faut savoir mettre en œuvre. Une des clés du succès était le revue de presse qu’on faisait, on avait 4000 abonnés (à Business Infos). C’était top quand on voit les salons en fait, parce que le package conférence était prêt, on le proposait à nos éditeurs, et voilà ils étaient extrêmement nombreux à s’inscrire et tout était vertueux.

Stéphane : C’est explosif quoi, tu as un salon, tu ouvres, tout le monde débarque et à la fin, tout d’un coup, ça …

Alain : Il y a l’image d’un salon, je n’ai pas les photos typiquement : e-marketing à Porte Maillot, les gens organisait une espèce de serpentin, incroyable. Et puis sur l’e-commerce Paris, une année, on ouvrait les portes à 9h, les gens entraient en courant, c’est hallucinant, c’est hallucinant comme souvenir, c’est assez marrant.

Stéphane : A la fin il reste quoi ? Des bouts de papier au sol, et il y a plus rien.

Alain : A la fin c’est terrifiant. Faire un salon c’est 10 mois d’effort, de 30–40 personnes, et en 2–3 jours, c’est fini à 18h, les gens partent et à minuit il ne reste rien, c’est incroyable. C’est très perturbant au début, et puis ben après, voilà…

Stéphane : C’est assez marrant, moi je vois bien l’analogie avec pas mal de choses après à chacun de réfléchir. En tout cas, une aventure est assez impressionnante et il y a plein d’autres aspects dans ta carrière qui m’intéressent donc on va faire, au moins, une autre vidéo ensemble. Pour moi cette aventure de salons est assez remarquable, ça démontre qu’on peut, en partant de presque rien, monter à un niveau énorme.

Alain :  A la fin, le socle, c’était toujours des conférences, et à la fin, e-commerce Paris, il y avait 15 salles de conférences ouvertes en parallèle, et c’était tout le temps plein.

Stéphane : Je me rappelle, j’y suis allé plusieurs fois et c’est vrai qu’on ne savait plus où donner de la tête.
Alain : Oui, c’est vrai, c’était presque trop riche quoi. On voyait les boites, Auchan par exemple, ils se sont tous inscrits, il y avait 15 types de Auchan qui se sont inscrits en même temps, ils avaient réfléchis à ce qu’ils allaient faire parce que tous il s’étaient répartis les tâches, certains allaient sur certaines conférences. Ils avaient bien étudié le programme et vu à quoi ils allaient assister.

Stéphane : Pour ne rien rater, partager l’information à la fin.
Alain : Exactement oui, c’était nécessaire, car tellement tonique et éruptif donc, voilà.
Stéphane : Ça ne te manque pas tout ça ? Maintenant tu es revenu à des activités plus calmes.

Alain : Ah non, mais moi j’étais rincé. 10 salons par an…
Stéphane : C’est énorme, je ne sais même pas imaginer.
Alain : Qu’est-ce que je vais dire, écoute je pense que l’enseignement est clair, on a appris en t’écoutant, une aventure incroyable, un beau parcours.

Stéphane : Il faut partir d’un modèle personnel qui fonctionne, et ben voilà. Sinon je pensais à un truc ce week-end… (vidéo bloquée)
Stéphane : Alors j’ai perdu la connexion avec Alain, je pense qu’on a pratiquement tout dit, je vais le remercier en direct, et en tout cas je vous remercie de m’avoir suivi pour cette première interview avec Alain.