Interview Pascal Moyon – Connais-toi toi même

Installé depuis 20 ans en Angleterre, Pascal a occupé des postes importants pour Eurostar, Expedia, Hertz, Lastminute.com, HSBC, Gocompare, et maintenant Canon… n’en jetez plus.

Dans ce podcast, Pascal nous explique comment il a pu aligner ses valeurs avec son activité professionnelle afin de trouver sa voie.

Voici les informations permettant de le suivre :

– LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/digital-transformation-sme/

Voici la transcription de cette vidéo :

Stéphane : Bonjour Pascal, ça va ?
Pascal : Bonjour Stéphane, très bien.

Stéphane : Ok donc tu vas te présenter rapidement pour mon audience, en fait on va parler de « connais-toi toi-même », tu m’as communiqué un mindmap donc je vais le regarder, en gros il y a :

– accepter qu’on ne peut pas contrôler grand-chose et se mettre en mesure de s’adapter ;
– connaître ses besoins personnels ;
– vaincre ses peurs ;
– faire de ce que l’on aime un métier.

Tout ça c’est des choses qu’on entend un peu à droite à gauche, tout le monde en parle, mais toi tu l’as vécu avec un sacré parcours.

Et après on va parler introversion et management de ça, c’est-à-dire que toi tu es d’un naturel plutôt introverti, et tu as atteint quand même des niveaux de responsabilités et des postes extrêmement importants, tu nous donnes un ou deux exemples, je crois chez Hertz par exemple ?

Pascal : Alors, chez Hertz j’étais Directeur Marketing et digital pour l’Europe, et chez Gocompare j’étais Vice-Président Marketing, chez LastMinute j’étais Chief Digital Officer.

Stéphane : Ok, donc ça fait 20 ans que tu es en Angleterre, tu as été confronté à une concurrence exacerbée par rapport à la France, des postes vraiment très impressionnants, donc allons au début, ‘on ne peut pas contrôler grand-chose’,c’est-à-dire ?

Pascal : Alors pour moi, j’ai commencé à travailler à la SNCF, c’est un environnement ou on ne peut pas trouver plus sûr comme environnement. Puis la SNCF m’a envoyé à Londres pour travailler pour Eurostar, et j’ai eu le choix de dire voilà : est-ce que je rentre en France, où est ce que je cherche quelque chose en Angleterre ? C’était la première décision importante à prendre, le retour en France, c’était revenir à la SNCF et avec une employabilité externe très faible. En gros je restais là jusqu’à la fin de ma carrière, il y avait quelque chose d’absolument inacceptable, intolérable de se dire : voilà, je sais j’ai 35 ans, et je sais que dans 20 ans, je sais exactement ce que je vais faire dans ces 20 ans, c’est comme si tu avais écrit donc pour moi c’était juste insupportable.

Bon, j’ai pris le risque, et j’ai quitté le contrat de travail de la SNCF, statut fonctionnaire pour Expedia, société américaine, contrat de droit anglais, zéro sécurité. Çà a été une école de vie extraordinaire, Expedia est une des meilleures entreprises, elle a une culture (par rapport à la France) très différente.

Stéphane : Dis-moi en 2 secondes c’était quoi leur business model et le nombre de personnes ?
Pascal : Alors, Expédia à l’époque ça comptait déjà 5000 personnes dans le monde, en Europe c’était encore un peu une histoire de Start-up, une Start-up en cours d’évolution vers beaucoup plus de process, mais avec une philosophie de travail et des relations entre collègues extraordinaires, c’est-à-dire un challenge positif, on est toujours incité à se dépasser mais avec un management très positif.

Stéphane : Donc là un management, tu le dirais à l’anglaise ou à l’américaine ? Il y a une différence entre les deux déjà ?

Pascal : Là c’est plus un management de type international, c’est-à-dire qu’on est beaucoup sur le factuel, l’objectif, sur le rationnel, quelque chose qui, effectivement, et pour moi j’ai beaucoup de problèmes avec le management à la Française.

Stéphane : Pareil pour moi, j’en peux plus, ça fait des années que je parle de l’explicite par rapport à l’implicite, on est les rois de l’implicite pour garder son petit pouvoir, surtout ne pas dire aux autres ce qu’on sait parce que au cas où ça pourrait lui servir.

Pascal : Donc voilà, pour moi ça a été une révélation, alors, évidemment j’ai connu la crise de 2008 donc mon poste a été supprimé, j’ai eu de la chance, j’ai rebondi tout de suite et j’ai travaillé chez Thomas Cook, Thomas Cook m’a renvoyé en Angleterre.

Stéphane : Thomas Cook, c’était le n°1 des voyages en Europe ou en Angleterre je ne sais pas exactement.

Pascal :  Alors je pense que c’était entre le n°1 et le n°2 effectivement.
Stéphane : Donc très grosse boite, gros succès, là tu étais responsable…?

Pascal : Alors, là j’étais responsable de toute l’analyse pour Thomas Cook Online, Thomas Cook avait recréé un centre d’excellence digitale, j’étais chargé de mettre en place toute l’infrastructure de données et toute l’équipe analytique pour supporter le business.

Stéphane : Alors, tu dis qu’on ne peut pas contrôler grand-chose, c’est-à-dire que là, c’est quoi la solution ?

Pascal : Thomas Cook aussi a eu un problème d’économie, et en fait une thématique importante, c’est que les entreprises maintenant sont mortelles.

On est dans un contexte dans lequel on ne peut plus compter sur un travail à vie, et le seul élément que l’on puisse contrôler c’est sa valeur de marché. C’est, effectivement, développer des compétences, qui sont demandées sur le marché, et constamment s’améliorer, ça c’est la seule chose qu’on puisse contrôler.

Stéphane : Toi tu parles à titre personnel, mais il y a aussi l’entreprise, c’est un peu pareil.

Pascal : Ah oui, surtout les entreprises, la durée de vie des entreprises actuellement a baissé d’au moins de moitié par rapport à ce que c’était dans les années 60- 70. Parce qu’effectivement, on est dans des contextes de destruction beaucoup plus importants, donc les sociétés sont mortelles, les réorganisations sont légions, et donc, face à ce changement qui est effectivement un bouleversement très important par rapport à ce que j’ai pu connaître dans mon enfance. La seule valeur sur laquelle on puisse investir c’est soi-même, c’est la seule chose qu’on puisse contrôler, on ne peut pas contrôler toute la carrière.

Stéphane : Alors c’est pour ça que c’est un peu bizarre, parce que, ça redevient l’individualisme, comment tu gères ça par rapport aux autres ?

Pascal : C’est pas de l’individualisme en fait. Si c’est la même différence entre le monde Anglo-saxonne et le monde Français par exemple, c’est qu’en anglo-saxonne (en Angleterre) on n’a pas de droits, on a beaucoup plus on doit prouver ce que l’on vaut. Je n’ai pas le droit à ceci, je n’ai pas le droit à ce poste et autre, je dois le mériter. C’est une philosophie qui permet effectivement de se dire : voilà ça vaut le coup parce que c’est ma vie.

Et c’est important d’investir sur sa vie, c’est important de faire quelque chose, ce n’est pas quelque chose de négatif, c’est quelque chose effectivement qui est plus exigeant, c’est une vraie citation disant : « Qu’est-ce que j’aime de faire ? Quelles sont mes qualités ? », « Comment est ce que je sais que ces qualités peuvent effectivement se mettre au service d’une valeur pour les entreprises ou pour des services, pour des collectivités », mais c’est une invitation à trouver un sens, et pour trouver ce sens se connaître est vraiment important.

Pour moi, ça s’est définit par remettre en cause un schéma classique de carrière qui était on progresse dans les entreprises avec des responsabilités toujours très importantes en management, en disant maintenant finalement moi ce que j’aime c’est résoudre des problèmes, ce que j’aime c’est une expertise, et je vais investir sur cette expertise parce que c’est ce qui fait que je trouve du plaisir et que j’apporte de la valeur également autour de moi.

Stéphane :  Alors, tu disais aussi connaître ses besoins et vaincre ses peurs, dans ce contexte…
Pascal : Alors mon besoin typiquement c’est : est-ce qu’on a besoin de sécurité ou de liberté, c’est deux ne sont pas compatibles, donc il faut choisir.

Stéphane : C’est ça.
Pascal : Donc pour moi, c’est clair, c’est la liberté.
Stéphane :La liberté mais c’est aussi le danger, énormément parce que quand tu es libre, tu es seul.

Pascal : C’est effectivement ça mais, il faut savoir que, si on est quelqu’un qui aime la liberté et qui cherche un environnement safe, on ne va pas être bien, et de façon inverse, si on a absolument besoin d’être rassuré, la liberté est terrifiante.

Stéphane : L’entrepreneuriat c’est la liberté mais c’est énormément de danger alors qu’être à vie dans une entreprise c’est aucun danger, mais tu n’as aucune liberté, tu es dans un carcan et tu dois aller jusqu’à la fin comme ça .. Pour moi c’est la mort parce que tu passes ta vie à faire plus ou moins la même chose, tu évolues petit à petit progressivement, on te mets plus ou moins dans un placard, tu attends la fin comme ça, tu vas au boulot juste pour avoir un salaire et puis…

Pascal : Pour moi c’est insupportable. Alors que, finalement, on peut trouver énormément d’épanouissement en se remettant en cause et pour moi c’est vraiment une leçon.

Alors, il y a des conséquences aussi, c’est-à-dire pour moi, l’une des peur que j’avais c’était qu’est-ce que je vais faire si j’ai plus d’argent, et puis, suite à des circonstances particulières et personnelles, je me suis retrouvée à 45 ans à à devoir louer une chambre chez l’habitant dans un quartier moyen de Londres. Il m’est rien arrivé, j’ai continué à vivre. Et on se rend compte que, finalement, le matériel n’est pas vraiment important et (hachures de son) mais cette peur a disparu, donc cette peur te permet aussi de prendre les risques pour te dire : bon voilà je vais quitter un travail bien payé mais dans lequel je m’épanouis plus, pour me remettre au risque de me trouver des clients et de développer des produits.

Stéphane : C’est en affrontant les choses qu’on affronte ses peurs et qu’on avance, c’est pas en les évitant en fait.
Pascal : Non, exactement.

Stéphane : Tu y vas et de toute façon tu n’as pas le choix, quand tu es entrepreneur tout te tombe dessus. Tu es obligé de tout affronter en même temps toi-même surtout, les autres, les clients, les concurrents, le marché, les problèmes financiers …Tout, tu dois tout faire et en fait on ne peut pas imaginer avant de l’avoir vécu c’est impossible, c’est comme dire ben voilà c’était impossible donc je l’ai fait, mais en réalité ….

Alors il y’en a plein qui sont des héros du quotidien dans tous les métiers, il n’y a pas de souci, c’est : être infirmier, enfin il y a plein de métiers fantastiques, enfin on ne se rend pas compte avant d’avoir vécu dans les chaussures de la personne, de temps en temps c’est bien de pouvoir écouter.

Toi tu as atteint une forme de sérénité, il y a quand même quelque chose qui est intéressante, c’est que toi tu es une personnalité introvertie, et comment tu gères dans ces conditions des postes aussi élevés, autant de personnes à gérer, etc ?

Pascal : Ça n’a pas été facile. Parce qu’effectivement, mon gros problème c’est de ne pas être à l’aise dans un groupe.

C’est l’un des moments ou tu sors de ta zone de confort, et je donnerai 2 exemples particuliers : donc moi j’ai géré une équipe chez Eurostar (c’était en 2003), on avait combiné à la fois le principe de management et le business planning parce que pour moi les deux allaient assez naturellement main dans la main, et dans cette équipe, on a commencé par une réunion d’équipe dans laquelle on a tous fait ce que l’on appelle le Myer Briggs. Donc on a travaillé avec un sociologue, et en fait on a tous décrit nos profils et parlé de nous. J’avais également demandé à tout le monde le feedback sur moi, mais vraiment, lâchez vous les gars.

Et on l’a lu, donc effectivement toi tu te mets un peu dans ces conditions, tu te mets à poil quoi. En fait, le but de cette journée d’équipe c’était de trouver une Mission Statement c’est-à-dire quelle est la nature, qu’est-ce qu’on veut avoir avec l’équipe, le fait qu’on ait tous baissé les barrières, on ait essayé de comprendre comment l’autre fonctionnait, fait qu’on a eu une vraie harmonie d’équipe, et pour moi c’était indispensable parce que j’avais … Alors c’était difficile, mais ce besoin d’être reconnu était très important pour dépasser cette introversion.

Stéphane : Oui mais là tu me parles d’une étape particulière dans une entreprise particulière tu en as fait plein d’autres depuis, est ce que ça t’a servi pour tous les autres, c’est ça ? Le fait de demander aux autres, comment vous me percevez, déjà ça t’a rassuré en fait.

Pascal :  Alors c’est rassurant, on apprend des choses, on découvre, mais ça ouvre le dialogue. C’est difficile des fois pour un introverti c’est comment on va ouvrir le dialogue. Une fois qu’il a ouvert le dialogue c’est facile. C’est le ‘ice breaker’ qui est assez difficile, mais une fois que tu es sorti de ta zone de confort c’est bon tu sais comment le faire. La deuxième des choses que j’ai fait pour sortir de ma zone de confort c’était par les conférences, et ça c’était terrifiant ! La première conférence était terrifiante, j’avais le cœur qui battait à 150.

Stéphane :  Et finalement avec le temps, tu t’es habitué ?
Pascal : Oui, c’est comme tout.

Stéphane : Parce que, on entend quand même des artistes dire ‘moi j’ai le trac à tous les concerts’, je pense quand même qu’au bout d’un moment, ça s’améliore

Pascal : On l’apprivoise, puis en fait on a toujours peur de ce qu’on ne connaît pas. Une fois on l’a fait, on a déjà beaucoup plus dans un terrain connu. Donc c’est important effectivement de faire ce pas, sortir de la zone de confort, se dire ‘bon là on n’est pas mort’ et de continuer.

Stéphane : Bon, là on est face caméra aujourd’hui, moi il m’a fallu des mois, des années peut être pour être à peu près à l’aise face caméra, et j’ai fait du théâtre (maintenant c’est ma troisième année) donc ça m’aide, voilà il y a la diction, savoir gérer les silences, la présence sur scène, toutes ces choses là qui m’ont aidés …Bon, faire du théâtre tout le monde peut en faire à tous les âges, c’est tout simple, donc on peut traiter ses défauts, on prenant plaisir en plus à le faire quoi.

Pascal : Oui, et en plus ça c’est vraiment nécessaire parce que je pense que tout ce qui est personal branding fait partie maintenant du bagage que (qu’on le veuille ou non) chacun doit mettre en place.

Stéphane : Même dans sa vie tous les jours, je veux dire qu’on soit salarié ou entrepreneur ou étudiant ou autre, un moment on doit se vendre. On doit se vendre à sa future femme, son futur mari, on doit se vendre à nos partenaires, aux gens qu’on croise, on doit se vendre en soirées, on doit se vendre tout le temps. C’est très bien que, moi je fais partie des gens qui refusent de faire des concessions pour me vendre. Je dis toujours ‘moi je suis comme ça et pas autrement, prenez-moi comme je suis’, j’ai assez de qualités pour compenser mes défauts. Bref, le package est là, démerdez-vous avec. Mais quand même un moment on se dit c’est un peu dommage parce qu’on passe à côté d’opportunités quelles qu’elles soient parce qu’on n’a pas su faire un petit peu d’effort, un petit peu le pas vers l’autre, mieux le comprendre, lui parler comme lui ça l’arrange (pour se faire accepter au départ) puis après on peut lever un peu plus le voile pour dire ‘non en fait je suis comme ça je fais un effort mais regarde, c’est moi.

Maintenant que la glace est cassée, on peut un peu baisser les mini masques qu’on s’est mis, et c’est quelque chose qu’on apprend. Regarde le fameux livre de Dale Carnegie « Comment se faire des amis », pour moi c’est la quintessence de ce que je n’aime pas faire, c’est-à-dire, le mielleux-là qui arrive, qui va donner la tape dans le dos, et quand même. Ça a d’énormes qualités, ceux qui ont suivi ce livre, ben écoute, ils sont très hauts placés maintenant partout, ils ont pu se faire bien voir et c’est ce qui compte malheureusement.

Pascal : Voilà, on n’est pas tous obligés d’avoir le même chemin, pour moi effectivement je préfère le … Je n’ai pas de plaisir dans les relations qui ne sont pas véritables, authentiques.
Stéphane : Moi c’est pareil, il y’en a plein qui n’ont pas ce problème-là visiblement, ils poursuivent d’autres objectifs, alors il y a un truc quand même on peut se dire : regarde, quand tu as un objectif qui est très clair, admettons que toi ton objectif ça va être de créer une fondation pour aider les enfants autistes.

Pascal : Bon là c’est différent, parce qu’il y a une finalité qui …
Stéphane : Voilà, où est le problème ? Je veux dire tu peux être tout à fait agressif commercialement, tu peux aller noyauter des milieux complètement pourris, etc., à condition que, ce que tu en retires, c’est pas pour toi, c’est pas de l’égo, c’est pas perdu, non c’est pour, c’est Robin des bois, tu prends aux riches pour donner aux pauvres.  Donc il y a moyen de se dire « Ok je fais des concessions parce que j’ai un objectif derrière », ça peut être nourrir ma famille, il y a des objectifs nobles qu’on peut dévoiler ou ne pas dévoiler d’ailleurs ce n’est pas la question.

Donc moi je trouve que, quand on juge les gens de l’extérieur sans avoir aucune idée de qui ils sont vraiment, on ne voit que leur comportement. Eh bien c’est un personnage, on ne voit pas la vraie personne derrière, et on ne sait même pas ce qu’elle fait vraiment. Je trouve qu’on est bien prompts à juger et donner des coups aux gens, surtout ceux qui se démènent et qui soi-disant réussissent parce que quelque part, eh bien, il y a pleins de formes de réussite et surtout, il y a beaucoup de façons de rendre ce qu’on a obtenu.

Pascal : Voilà, pour moi la seule chose c’est effectivement qu’est-ce qui va m’épanouir.
Stéphane : Voilà on revient au début de l’interview
Pascal : Dès lors qu’on vit une vie qui est conforme par rapport à ses propres valeurs, et qu’on suit un chemin effectivement qui nous épanouis, dans lequel chaque jour travaillé n’est pas une contrainte mais un plaisir, là, je suis effectivement heureux aujourd’hui.

Stéphane :  Ok, ben écoute c’est le moment de la fin je te remercie Pascal et à bientôt pour une autre vidéo avec des enseignements, merci.
Pascal : Merci Stéphane, au revoir !