Interview Laurence Ligier – Une vie consacrée aux enfants maltraités

Laurence a consacré sa vie aux enfants des Philippines.

Elle a fondé l’association Caméléon (dont je suis membre) pour venir en aide aux enfants victimes de maltraitances, notamment sexuelles, dans un pays où l’âge légal du consentement sexuel est fixé à 12 ans !

L’association, au budget annuel de 1,5 million d’€, a ainsi construit plusieurs centres d’accueils et fait bénéficier des milliers d’enfants de ses services.

Dans ce podcast, Laurence nous présente son parcours et sa vision, pour le moins inspirante.

Voici l’url du site : www.cameleon-association.org/

Voici la transcription de cette vidéo :

Stéphane : Bonjour Laurence, comment tu-vas ?

Laurence : Bonjour, je suis Laurence Ligier, je suis la fondatrice et la directrice de l’association Caméléon, qui intervient depuis 23 ans aux Philippines, que j’ai créée pour venir avant tout en aide aux enfants victimes de violence sexuelle aux Philippines. Non pas parce que j’avais le rêve absolu de créer un projet comme ça, mais parce que vraiment quand je suis partie à 20 ans en mission humanitaire aux Philippines, j’ai été confrontée à une réalité qui m’a marquée en tant que jeune Française plutôt privilégiée, des enfants dans la rue, des enfants chiffonniers, des enfants en prison, des enfants exploités, victimes de violence sexuelle.

Voilà j’ai été on va dire choquée sans autant avoir le projet de faire quelque chose, mais parce que les Philippins avec qui j’avais travaillé dans le cadre de ma mission humanitaire m’ont demandé de lever des fonds en France, à ce moment-là j’ai dit que j’allais essayer (quelque part déjà je m’engageais en le disant),mais j’en étais pas consciente.En fait voilà c’était vraiment pour répondre à un appel et parce que j’avais identifié des besoins, et parce que j’avais dit que j’allais essayer que je me suis lancée.

Je ne savais évidemment pas que je m’engageais dans un projet de vie en fait, dans un projet professionnel, dans un projet personnel puisque, avoir quelque part la prétention d’aider les gens ça se fait pas comme ça pendant les vacances avec un sac-à-dos et un grand cœur, ça se fait de façon vraiment professionnelle pour arriver à des résultats à la hauteur des attentes des enfants. Surtout que les enfants dont on s’occupe (dont Caméléon s’occupe) donc sont victimes de violence sexuelle, principalement des cas d’inceste, et qui ont vécu des traumatismes très lourds et, arrivés à l’association, placés par les services sociaux, c’est pour les aider et pas pour faire quelque chose un peu comme des amateurs. Donc ça a été vraiment un engagement sur le long terme.

Stéphane : Première chose que je retiens c’est : 1- Tu donnes ta parole, 2- Tu fais tout pour l’asso, c’est très important, moi je connais l’association depuis 2012 je crois, j’ai commencé à parrainer effectivement une enfant avec vous, une deuxième aujourd’hui (j’ai même été sur place).

Je connaissais les Philippines et comme toi j’y suis allée pour faire de la plongée comme tout bon occidental qui se respecte, arrive là-bas pour s’amuser et se rend compte –normalement- s’il a un peu les yeux ouverts que, effectivement, il y a quelques petits problèmes. Tout de suite je me suis dit : Ok je vais faire quelque chose, et voilà et je vous ai trouvé. Depuis le début je trouve que vous faites un travail très … remarquable et il n’y a pas beaucoup de dépenses, tout est au cordeau quoi, tout est optimisé.

Laurence : On essaye que tous les dons qu’on lève aillent à 86 % aux enfants, aux familles, aux bénéficiaires, bien sûr on a des frais de fonctionnement, des frais de collecte comme toutes les associations, c’est obligé, on est obligés, en plus de sensibiliser le public à la cause (parce que les violences sexuelles sur les enfants, encore plus l’inceste), c’est tabous non seulement aux Philippines, mais aussi ici en France, et que si on n’en parle pas beaucoup, si on ne fait pas de la prévention, on a beau guérir, aider les victimes à se reconstruire c’est vraiment une goutte d’eau.

Donc en fait il faut vraiment beaucoup beaucoup en parler pour faire changer les lois quand elles ne sont pas favorables assez à la protection de l’enfance, former les gens, informer les gens et prévenir les enfants qu’elles ont des droits et que se faire violer par son père ce n’est pas normal et qu’il y a des associations, des services sociaux, j’espère aussi la police et la justice pour les aider.

Donc c’est ce qu’on essaye de faire en parallèle de les accueillir dans des maisons d’accueil et de subvenir à leurs besoins médicaux, psychiatriques, juridiques, scolaires et bien sûr les aider à se reconstruire de ces traumatismes lourds et construire leur vie future.

Stéphane : Vous avez des centres qui sont très grands aux Philippines avec des dizaines et des dizaines de filles, notamment, vous les accueillez, vous vous en occupez, vous en amenez jusqu’à la fin de leurs études, tout ça c’est super, mais comment tu as fait pour changer carrément la loi aux Philippines ?

Laurence : La loi aux Philippines en fait en matière de protection de l’enfance elle est très développée, même très stricte, beaucoup plus qu’en France, maintenant elle n’est pas toujours connue, encore moins appliquée, donc ‘Caméléon’ s’évertue à faire beaucoup de plaidoyers, pas seule mais avec d’autres associations et même de grosses ONG plus grosses que ‘Caméléon’ comme l’UNICEF au plan international, Save The Children, ECPAT au niveau national pour mettre en avant ces lois qui existent et les faire appliquer.

Maintenant il y a un gros problème, c’est l’âge égal du consentement sexuel qui est de 12 ans aux Philippines, et donc c’est effectivement très bas, c’est le deuxième le plus bas au monde, ce qui fait qu’on perd parfois des procès en justice parce qu’il faut montrer, prouver que, les petites filles, jeunes filles n’était pas consentante entre l’âge de 13 ans et 18 ans, ce qui est difficile à faire.

Stéphane : Donc là, je retiens quand même que pour faire changer les choses (que ce soit pour les lois ou quoi que ce soit, on peut parler business aussi) tu m’as parlé de partenariats, donc tu t’es associée avec de grosses associations (pourtant Caméléon c’est déjà assez intéressant) il n’y a pas mal de personnes dans Caméléon ?

Laurence : Ben Caméléon, j’ai démarré avec rien, maintenant, 23 ans après, aux Philippines 50 salariés Philippins, un conseil d’administration et des bénévoles qui s’impliquent tout au long de l’année, donc moi en tant que fondatrice c’était un peu mon challenge de créer et de former, de mettre en place une équipe Philippine.

Pourquoi compétente ? Pour qu’elle s’approprie le projet, qu’elle le défende comme je peux le faire, qu’elle défende la cause, que maintenant, au bout de 20 ans, les bénéficiaires eux même s’impliquent pour prendre le relais, pour porter nos couleurs, nos valeurs, la mission de Caméléon, pour que ce soit pérenne parce que si ça ne repose que sur moi ou sur des étrangers ça allait pas. Donc ça c’est ce que j’ai essayé de mettre en place depuis plus de 20 ans, j’en suis assez fière en fait parce que je vois maintenant à quel point, et l’équipe Philippine et les jeunes eux-même qui ont maintenant entre 20 et 35 ans, bénévolement, s’impliquent dans les programmes, vont eux-mêmes dans les villages, dans les écoles, à la radio, à la télé parler de la cause, des violences sexuelles, viennent avec moi aussi sensibiliser des financeurs, des mécènes, des entreprises, des fondations, non seulement aux Philippines mais parfois même à l’étranger, il y’en a même qui sont allés à l’ONU, à New-York pour présenter.

Stéphane : Ma filleule était à l’ONU, c’était incroyable.

Laurence : Voilà! pour parler, oui Antonnette, de la cause défendue donc moi de les voit arriver à Caméléon (comme Antonnette) à l’âge de 9 ans et à 20 ans, elles sont à l’ONU à New-York en train de parler des droits des enfants et des violences sexuelles, pour moi c’est un indicateur, pour être très précise, de réussite, de résultat très satisfaisant de ce qu’on a pu faire tous ensemble parce que je ne suis plus toute seule maintenant dans Caméléon. On est une grande famille aux Philippines, en France on est 4 salariés des services civiques, et des stagiaires, des bénévoles, et aussi j’ai créé des antennes en Suisse, au Luxembourg, et des relais aux Etats-Unis, en Belgique, un peu partout parce que, c’est très difficile pour les associations de lever des fonds.

Caméléon c’est 1,5 million de budget annuel, on aide 430 enfants et avec leurs familles (parce qu’on intervient beaucoup avec les familles) ça fait plus de 2800 bénéficiaires chaque année, et tout ça c’est une grosse responsabilité en fait et un budget important donc c’est tous ensemble qu’on arrive à lever des fonds mais c’est difficile.

Stéphane : Moi ce que je retiens c’est que : 1- Tu as littéralement (et je le sais pour avoir lu ton livre) sacrifié ta vie pour ta cause. Donc aujourd’hui tu es impliquée, 7j/7j.
Laurence : Je ne le considère pas comme un sacrifice.
Stéphane : Ok, je sais, mais bon voilà.

Laurence : Parce que je suis très heureuse de ce que je fais, après ça demande beaucoup de travail.

Je voudrais insister là-dessus, un projet comme ça que ce soit humanitaire, ou peut-être créer son entreprise parce que c’est un peu pareil en fait, on gère un budget, des gens… C’est avant tout le fruit de beaucoup de travail, certes, mais aussi de détermination, de persévérance, parce que des bâtons dans les roues, on en a tout le temps, c’est dangereux de s’occuper d’enfants victimes de violence sexuelle. Moi personnellement j’ai été agressée, menacée de mort, ainsi que les assistantes sociales, parce qu’on les dérange, on met des gens en prison donc la réputation, la diffamation, la difficulté de gérer évidemment l’émotionnel, les traumatismes.

Evidemment, on est au bout du monde dans un pays où il y a les catastrophes naturelles, ou il y a un certain niveau de violence donc tout ça fait que, en plus de tout le reste, c’est-à-dire lever des fonds, gérer un programme, des enfants, il faut s’en occuper, voilà ça demande effectivement un investissement à 100% que, personnellement, je ne considère pas comme un sacrifice mais un choix de vie professionnel comme personnel. Très enrichissant puisqu’on apprend beaucoup au contact des enfants, de leurs familles, des salariés sur place et de cet échange culturel, mais ça demande un engagement à 100% 7j/7j, on gère des urgences donc la nuit, les week-ends, il n’y a pas de jour de congé.

Stéphane : Moi je fais parallèle avec l’entreprenariat. Pour moi un entrepreneur doit tout donner, ce n’est pas simple, à moins d’être déjà riche, déjà parvenu ou avoir une boite qui marche déjà mais quand tu démarres de 0 ben voilà, il n’y a pas de choix, beaucoup ne sont pas là pour faire de l’argent ils sont là pour pour une cause, pour une vision, pour faire vivre tout simplement des familles qui sont dans leur entreprise, on fait vivre des familles, toi tu en sauves carrément mais, tu as les deux d’ailleurs, puis après tu as eu des partenaires, tu t’es implantée dans des pays, tu as des ambassadeurs de partout, des gens connus d’ailleurs, c’est super intéressant, mais quel boulot quoi.

Laurence : Oui, mais c’est ce qui fait aussi, je vais dire au bout de plus de 20 ans, c’est difficile d’être une locomotive tout le temps, c’est fatigant, de porter beaucoup de choses sur mes épaules, et le fait d’être encore là c’est aussi parce qu’on a pu, je l’ai pas fait seule, je l’ai fait avec l’équipe mais diversifier nos interventions, rencontrer des gens super que ce soit dans du monde de l’entreprise, à travers nos mécènes, mais aussi nos artistes, on fait beaucoup de cirques par exemple thérapeutique, donc des artistes de cirque, des comédiens qui s’engagent parce que, effectivement, on a des ambassadeurs, des sportifs.

Et en fait, le fait de rencontrer tous ces gens qui ont évidemment des parcours de vie très différents, parfois très engagés, parfois moins d’un autre monde, mais c’est un vrai enrichissement qui a fait que moi, j’ai aussi grandi puisque j’ai démarré à 20 ans dans mon métier, au contact de ces gens-là, et surtout d’ailleurs des gens de l’entreprise qui m’ont guidé, fait part de leurs difficultés, parfois conseillé, parce que c’est comme ça que j’entend un partenariat, c’est pas juste pour aller voir des boites et leur demander des sous mais les impliquer, les chefs d’entreprises et aussi les salariés, parce que certains parrainent des enfants, dans la vie de l’association, les inviter sur le terrain, leur faire part des difficultés quand on en a, quand il y a un typhon qui passe par là, quand on a des enfants qui sont en procès, hospitalisés. Leur demander ou quand j’ai, pas des soucis, mais des interrogations quant au management, des problèmes beaucoup plus terre à terre, financiers éventuellement, je les implique, certains pour leur poser des questions et m’aider à manager parce que ce n’est pas toujours facile.

Stéphane : Donc moi je vois le pont, pour moi, une asso de cette taille c’est comme une entreprise, et en plus tu nous montres une voie positive, tu nous montres un monde alternatif dans lequel, tu vis d’une activité utile pour les autres, c’est possible, on n’est pas juste là tous pour ne penser qu’à soi, faire de l’argent, faire vivre ta famille ok, mais on peut le faire d’une autre façon et je crois que, il faut aussi en parler pour que ça génère, des convictions, de l’implication quoi.

Laurence : Oui, mais on grandi de ces expériences là. Moi j’en ai fait mon métier, certes, parce que ça demandait un engagement à 100% mais, d’autres personnes qui sont dans un autre secteur, moi je le vois à travers nos bénévoles, nos parrains, ils ne sont pas du tout dans le secteur associatif (humanitaire), mais n’empêche que le week-end, parfois sur leurs vacances, ils nous aident, ou parrainent un enfant.

De cet échange-là, de cette découverte d’une autre culture, du monde, de problématiques, certainement il y a un enrichissement aussi personnel et qui peut se refléter dans leurs vies tous les jours, donc ce n’est pas incompatible de faire les deux, il faut un peu de temps c’est sûr, parfois un peu d’argent si on s’engage financièrement pour parrainer un enfant, et si on ne peut pas bénévolement pour certains, moi j’ai des étudiants qui n’ont pas d’argent ou d’autres personnes qui disent « Comment je peux vous aider ? » Ça dépend des profils mais on trouve toujours (souvent) à leur donner des tâches plus ou moins importantes en fonction de leur disponibilité.

Stéphane : Pour information, le parrainage commence à quoi ? 23€, 25€, 18€, je ne sais plus.
Laurence : 28€. Il y a 3 niveaux de parrainage, 28€, 44€ et 56€, en fonction de l’âge de l’enfant, donc c’est école primaire, collège, lycée et université puisqu’on accompagne les filles jusqu’à ce qu’elles soient indépendantes financièrement donc les filles les plus jeunes peuvent avoir 5 ans, donc on les accompagne jusqu’à la fin de l’université, dans le meilleur des cas. Elles peuvent sortir du programme à l’âge de 20 ou 21 ans. Elles ne sont pas dans les centres, parce que le but … Dans les centres c’est 3–4 ans en moyenne, le temps pour elles de se reconstruire physiquement, psychologiquement, les remettre au niveau scolaire parce qu’il y en a qui ont été déscolarisées suite aux maltraitances, pour après les réintégrer dans leurs familles (évidemment quand ce n’est pas dangereux), parce que ce n’est pas toujours des cas d’inceste ou en tout cas il y a quand même des gens dans la famille avec qui on peut travailler (une grand-mère, une tante, une sœur).

Donc à 70% elles repartent dans leurs familles, mais on continue de les suivre jusqu’à ce qu’elles terminent leur scolarité. Et les autres, on identifie des familles d’accueil ou on les prépare à une vie indépendante donc elles sont dans des chambres d’étudiantes. Et elles s’impliquent vraiment dans le cadre de l’association donc, moi là ce que j’appelle les acteurs de changement c’est elles (les filles) ou, parce qu’on parraine des jeunes dans les villages aussi, donc des garçons et des filles, qui eux-mêmes portent vraiment la mission de Caméléon, et vraiment ça, pour moi, au bout de 20 ans c’est la vraie réussite, parce que, je sens que c’est pérenne (peut-être pas encore financièrement) parce qu’ils n’ont pas d’argent, mais la passion, le sens de l’engagement, de la solidarité même s’ils viennent de milieux pauvres. Je pense que j’ai transmis ça, et ça me fait plaisir, voilà, je me suis dit qu’au moins là il y a des gens et que ces gens-là sont sauvés même (certaines filles) et que celles-là ont compris quelque part dans leur parcours personnel très difficile, l’opportunité et la chance qu’elles ont eu de rencontrer Caméléon (je ne parle pas de moi mais de toute l’équipe) et d’en faire une force pour aider d’autres qui sont dans le même cas ou qui ne savent pas que ce n’est pas normal de se faire violer par son père, son grand-père, son oncle, et qu’on peut les sortir de là, voilà.

Stéphane : Ecoute, tout ça demande réflexion, méditation je pense qu’il y a beaucoup d’enseignements à retenir. Tu as un message derrière toi, tu nous montres un petit peu qu’est-ce qui est écrit comme ça ?

Laurence : Oui.
Stéphane :  « Donnons des couleurs à leur vie » voilà, et comment te dire, je sais que tu continueras donc j’ai rien à dire, je continuerai à te suivre à vous aider autant que faire se peu. Je sais que tu as eu le prix de la femme de l’année à un moment (il y a 2 ans) non ?

Laurence : Ah de Clarins, oui, j’ai eu le prix de la femme de cœur il y a longtemps déjà en 2005, mais l’entreprise Clarins nous soutient toujours depuis 2005, tous les ans vraiment beaucoup, ainsi que d’autres entreprises très impliquées comme ‘Cocktail Scandinave’, il y a certaines entreprises ou certains chefs d’entreprises, s’ils n’avaient pas été avec moi dès le début je n’aurai pas pu créer Caméléon donc, je leur dois beaucoup, et après les reconnaissances. C’est la reconnaissance du travail de toute l’équipe, moi j’ai une légion d’honneur évidemment j’en suis fière aussi pour ma famille parce qu’ils m’ont soutenue.

Ils m’ont vu partir à 20 ans un peu à contrecœur mais bon, ils ont toujours été là, et tous ceux qui m’ont fait confiance et qui sont encore là, comme des parrains, comme des amis qui au début avaient peur pour moi. Et donc ces prix-là, moins le côté honorifique, ce n’est pas ce qui me touche mais c’est de montrer que ça servait à quelque chose et que c’est reconnu même par l’Etat Français et l’Etat Philippin aussi, puisque que l’association a reçu des prix, voilà du travail accompli par tous.

Stéphane : En tout cas nous on en est fier quand on voit ça on voit que tu as eu, bon j’avais dû confondre l’ordre national du mérite ou la légion d’honneur, on se dit quand même, c’est quand même la reconnaissance d’un incroyable parcours. On n’est pas juste une petite association on donne 30€, 40€ et on sauve une personne, non, toi tu en as des centaines, tu en as des milliers et tu construis, tu rajoutes des centres et tu gères et … C’est …

Laurence : Alors c’est le danger, pas trop grossir trop vite. En fait les besoins il y’en a tout le temps, si j’écoutais les gens, si je m’écoutais parfois, il y aurait des centres beaucoup plus que ce qu’on a là. Après ce n’est pas tout de construire un centre, peut-être qu’on veut trouver des financements pour construire mais après il faut gérer l’encadrement de 20-25 filles par centre, des assistances sociales, du personnel, voilà, c’est ça qui fait que …

On ne peut pas dire ‘oui’ puis après se désengager parce que ces enfants-là, à part Caméléon ils ont rien. Ils comptent sur nous et que, à partir du moment où on a dit ‘on va vous aider’ il faut aller au bout.

Voilà, donc je fais attention à la façon, c’est pour cela je pense qu’on est encore là au bout de 23 ans. C’est qu’on a grandi mais pas trop vite, pas trop gros, garder notre côté familial parce que les filles recherchent avant tout une famille et je pense que maintenant de plus en plus les parrains et même les mécènes aident Caméléon aussi parce que, l’association a une taille, alors elle n’est pas petite mais pas trop grosse, entre les deux.

Souvent, pour prendre des décisions ce n’est pas toujours facile parce qu’on a une taille intermédiaire mais à taille humaine, ce qui fait qu’on connait tous les enfants, tous les bénéficiaires, moi j’ai passé 11 ans sur le terrain et maintenant j’y vais 3 fois par an, j’y passe 2 mois à chaque fois, donc j’y passe plus de la moitié de l’année, et je peux parler très bien, et des Philippines, de leur culture, et de l’équipe, de tous les enfants, je connais tout le monde.

Donc je pense que c’est ce qui fait aussi que les gens nous font confiance, nous suivent depuis des années. Les enfants pour nous ce n’est pas un numéro parmi tant d’autres, c’est… Au cas par cas, on gère leur accompagnement, parce qu’on les connaît comme s’ils étaient nos enfants en fait, c’est ça la difficulté comme s’ils étaient les nôtres, on ne peut pas les remettre dehors comme ça.

Stéphane : Ben écoute, je pense que, encore une fois, il y a des choses à réfléchir à mettre en place dans nos propres contextes. Ça peut être intéressant de transposer tout ce que tu as dit là dans nos contextes de vie à nous et pour notre pérennité, pour notre approche pour la personnalisation de ce qu’on fait, les partenariats, l’engagement …. Tout ça, c’est des valeurs qu’on trouve partout et que toi tu as mené en même temps pendant tellement d’années. Merci pour ton témoignage, et je te dis à bientôt.

Laurence : Merci, à bientôt.